Vous faites toujours de votre mieux pour prévenir la fourbure. Si malgré vos efforts les choses tournent mal, vous mettrez tout en œuvre pour réparer les dégâts et remettre votre cheval sur pied le plus rapidement possible, au sens propre comme au sens figuré. Vous sortez donc le tuyau d’arrosage et rincez les sabots à l’eau froide. Parce que la thérapie par le froid ou – mot plus sophistiqué – la cryothérapie semble aider. N’est-ce pas ?
Qu’est-ce que la cryothérapie ?
La cryothérapie pour la fourbure est un refroidissement prolongé, continu et vigoureux de la jambe basse. Le froid resserre les vaisseaux sanguins, a un effet anti-inflammatoire, soulage la douleur et ralentit le métabolisme dans les tissus du sabot [1].
C’est dans la toute première phase de la fourbure que le traitement est le plus efficace. À cette phase de développement, rien n’est encore visible à l’œil nu. Il s’agit alors d’un traitement préventif pour éviter que la maladie n’évolue vers la phase aiguë, lorsque les signes cliniques deviennent très visibles et mesurables. Les cliniques vétérinaires appliquent ce traitement avec succès, par exemple pour prévenir la fourbure en tant que complication d’une colique sévère.
La fourbure liée au sepsis
La nature prophylactique de la cryothérapie est particulièrement pertinente pour la fourbure liée au sepsis (auparavant connue comme fourbure liée au SRIS), car ce type de fourbure est plus ou moins prévisible. Dans cette forme de fourbure, des toxines circulent dans le sang. Les toxines provoquent, entre autre, l’obstruction des capillaires de la connexion lamellaire, ce qui entraîne sa nécrose partielle. La connexion lamellaire est la structure qui maintient la paroi du sabot et l’os du pied ensemble. La boiterie est en fait la détérioration et la rupture de cette connexion.
Vasoconstriction
La cryothérapie entraîne une constriction des vaisseaux sanguins. Comme l’irrigation sanguine des vaisseaux dans le sabot est réduite, ils reçoivent aussi moins de toxines et sont donc moins obstrués. La vasoconstriction inhibe également l’expression de certaines enzymes (les MMP) qui ont un effet destructeur sur certains composés protéiques importants dans la connexion lamellaire (les hémidesmosomes). Or il est probable que certaines toxines sont également responsables de l’activation des MMP. Ce processus serait donc également inhibé si moins de toxines arrivaient dans le sabot.
Causes
La fourbure liée au sepsis fait suite à un « évènement », ce qui fait que vous la voyez généralement venir. L’exemple classique est celui du cheval qui arrive à pénétrer dans la réserve de nourriture et se sert directement dans le coffre à grains. Ou bien vous pensez aux coliques, ou encore à une infection bactérienne due à une rétention du placenta après la mise-bas. D’autres inflammations et infections telles que la pneumonie et les infections oculaires créent également des toxines dans le sang. La liste peut continuer avec les plantes toxiques, le foin moisi, l’eau polluée, les médicaments et les vermifuges.
Et la fourbure traumatique ?
Ceci est une troisième forme de fourbure. La cause en est un manque d’oxygène dans les tissus du sabot. Cette carence en oxygène résulte de la surcharge sur les sabots ou de leur déséquilibre prolongé. Aucune recherche n’a encore été effectuée sur l’application de la cryothérapie à la fourbure traumatique. C’est pourquoi nous ne l’aborderons pas plus en détail ici.
Comment cela se fait-il ?
Dès que vous soupçonnez que la fourbure peut survenir à tout moment ou si c’est déjà le cas, mettez votre cheval dans l’eau glacée (moitié eau-moitié glace). Plus il est immergé, mieux c’est. Les meilleurs résultats sont obtenus si toute la partie inférieure de la jambe est refroidie. Continuez à ajouter des éclats de glace ou des glaçons et à remplacer l’eau réchauffée afin de maintenir la température en dessous de 5 degrés Celsius. Une limite inférieure de 2 degrés pour un minimum de 24 heures et un maximum de 72 heures est considérée comme sans risque. En concertation avec votre vétérinaire, vous pouvez refroidir pendant plus de 72 heures.
Nota bene : dans le cas où on suspecte une infection dans le pied (abcès, ostéite septique), il faut éviter d’avoir recours à la thérapie par le froid, car l’hypothermie inhibe la réponse inflammatoire naturelle à l’infection.
Gardez l’œil ouvert
Veillez à ce que quelqu’un reste à côté de votre cheval ou le surveille attentivement à distance (par exemple avec une caméra). Vous ne voulez pas qu’il se blesse en essayant d’échapper à son pédiluve glacial. Si votre cheval ne reste pas sagement très longtemps dans l’eau glacée, vous pouvez lui envelopper les jambes dans des sacs en plastique solides remplis de glace et les fixer à l’aide de ruban adhésif.
Les chevaux résistent au froid
Bon à savoir : les jambes supportent bien le froid. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, laisser son cheval dans de l’eau glacée pendant 72 heures n’a pas de conséquences négatives [2]. Cela est probablement dû aux fluctuations de la température du sabot, comme c’est normalement le cas lors des grands froids hivernaux. Nous pensons qu’il s’agit d’un mécanisme de défense contre les lésions dues au froid.
En revanche, les sabots se ramollissent lorsqu’ils restent dans l’eau pendant trois jours. Le risque de pénétration de bactéries et de champignons est alors plus élevé et peut provoquer des abcès et la maladie de la ligne blanche. Il faudra donc également bien sécher les jambes après le traitement, afin de minimiser le risque de problèmes dermatologiques. La photo ci-dessous montre un cheval qui a développé une gale de boue à la suite d’une cryothérapie de trop longue durée.
Peut-on le faire différemment ?
Il ne sert à rien de laisser votre cheval dans la neige ou dans une rivière, de doucher à l’eau froide, d’appliquer des compresses thérapeutiques de froid (coussins thermiques ou gel–packs), des guêtres ou des pommades refroidissantes. Vous n’obtiendrez pas l’effet thérapeutique escompté.
Les bottes de trempage remplies de glace peuvent être une alternative si l’eau est changée régulièrement et si ces bottes sont suffisamment hautes, jusqu’au genou [3]. Il existe aussi des systèmes de refroidissement à sec qui donnent de bons résultats [4]. Malheureusement, peu de gens disposent de ces deux dernières solutions à la maison car elles sont coûteuses. Si votre cheval développe régulièrement des fourbures malgré tous vos bons soins, vous pouvez envisager de les acheter. Ou de les louer.
Que dit la science ?
Il semble évident que la cryothérapie est surtout adaptée à une utilisation en cliniques équines. Pourtant, la cryothérapie est souvent présentée comme une méthode de traitement (y compris dans mes livres). La raison en est principalement d’ordre pratique. Pendant longtemps, les chercheurs n’ont pu provoquer expérimentalement la fourbure qu’en introduisant une grande quantité d’oligofructose (un type de fructane) à l’aide d’une sonde dans l’estomac. Cela provoque un problème digestif qui conduit à une augmentation de la quantité de toxines dans le sang, provenant de la prolifération et de la mort des bactéries intestinales, à tel point qu’une fourbure liée au sepsis se développe. En appliquant ensuite la cryothérapie, on peut facilement mesurer son effet, même entre les deux sabots d’un même cheval.
Connexion lamellaire
Une étude de 2014 a ainsi montré que la connexion lamellaire est moins endommagée si la cryothérapie est mise en œuvre dès l’apparition des premiers signes de boiterie, donc au début de la phase aiguë [5]. La douleur était également nettement moins importante dans la jambe traitée que dans la jambe non traitée. Il est néanmoins impossible de dire si cela est attribuable aux propriétés analgésiques de la cryothérapie ou au fait que les tissus sont moins endommagés.
Deux ans plus tôt, des chercheurs avaient conclu que les réactions inflammatoires au début de la maladie étaient beaucoup moins importantes lorsque la cryothérapie était utilisée dans le cas d’une fourbure liée au sepsis [6]. Par ailleurs, le traitement avait été mis en œuvre immédiatement après l’introduction de l’oligofructose. Donc, en fait, avant même la phase de développement de la fourbure qui a suivi. Dans la pratique, cela ne sera quasiment jamais le cas.
La fourbure endocrinopathique
C’est bien intéressant, mais avec moins de 10 % des cas, la fourbure liée au sepsis est relativement rare. La forme la plus courante de fourbure est liée à des problèmes hormonaux. On parle alors de fourbure endocrinopathique (une endocrinopathie est une maladie causée par le mauvais fonctionnement des glandes hormonales). Elle concerne environ 9 cas sur 10. Le plus souvent, il s’agit d’un dérèglement de l’insuline. En bref, le dérèglement de l’insuline est le terme général désignant toute combinaison d’anomalies dans l’ensemble des processus chimiques de l’organisme impliquant l’insuline.
Toujours trop tard… ou pas ?
Dans le cas d’un dérèglement de l’insuline, il y a trop d’insuline dans le sang (hyperinsulinémie) et les cellules ne répondent pas correctement à l’insuline (résistance à l’insuline). Nous savons que l’hyperinsulinémie en particulier joue un rôle important dans le développement de la fourbure, mais nous ne savons pas encore exactement comment cela se produit.
Ce que nous savons, c’est que l’utilisation préventive de la cryothérapie est difficile à mettre en place en cas de fourbure endocrinopathique. En effet, son apparition et son développement sont beaucoup plus progressifs, voire insidieux. Elle est donc plus difficile à prévoir. Souvent, c’est le professionnel des soins des sabots ou le vétérinaire attentif qui met en évidence des changements subtils dans les sabots, ce qui nous amène à découvrir ce qu’il se passe. La douleur n’apparaît également qu’à un stade plus avancé. La maladie est alors déjà en phase aiguë.
Fourbure chronique subclinique
La fourbure endocrinopathique est, dans la plupart des cas, chronique et subclinique, avec des périodes de flambée de la maladie. Ces dernières surviennent surtout après le broutage d’une prairie riche en sucres. Elle est donc prévisible en théorie, mais surtout évitable. Personne ne mettra son cheval atteint de dérèglement de l’insuline d’abord dans un pré à haut risque, et ensuite dans de l’eau glacée jusqu’aux genoux.
Efficace également dans la fourbure endocrinopathique
De nos jours, nous pouvons également induire une fourbure endocrinopathique de manière expérimentale. Cela a permis à une étude de 2019 de fournir une réponse affirmative à la question de savoir si la cryothérapie, même dans cette forme de fourbure, peut réduire les lésions tissulaires dans la phase aiguë [7]. Avec la réserve que la très forte hyperinsulinémie permanente créée dans un cadre expérimental peut ne pas être comparable à la fourbure endocrinopathique telle qu’elle se produit « dans la vraie vie ».
Réaction inflammatoire
Réduire la réaction inflammatoire est l’un des principaux avantages de la cryothérapie. En effet, l’inflammation des tissus du sabot est responsable d’une partie des dommages qui conduisent finalement à la rupture de la connexion lamellaire [8]. Une étude récente montre que la réaction inflammatoire est moins forte lorsque la cryothérapie est appliquée à une fourbure aiguë causée par une hyperinsulinémie [9].
Un métabolisme réduit
La baisse du métabolisme dans les tissus du sabot est un autre avantage de la cryothérapie. Une étude réalisée en 2020 suggère que cela pourrait réduire l’apport d’énergie aux processus pathologiques au niveau cellulaire, tandis que les processus essentiels à la connexion lamellaire se poursuivent [10]. On peut considérer cela comme un frein d’urgence qui permet de gagner du temps pour traiter le problème sous-jacent ou préparer un autre traitement. Un autre avantage est que le ralentissement du métabolisme fait que le tissu du sabot ne souffre pas de la diminution du flux sanguin due à la vasoconstriction ciblée.
Effet thérapeutique
Néanmoins, il faut dire que dans ces deux études, le traitement avait déjà été lancé avant que la fourbure ne se manifeste par une boiterie. En d’autres termes, en phase de développement. Par conséquent, les chercheurs disent ne pas être certains que la cryothérapie aura des effets thérapeutiques si elle n’est appliquée qu’à partir de la phase aiguë de la fourbure. D’ailleurs, il en va de même pour les autres études. Car dans toutes les études, ce qui a été recherché, c’était non pas des améliorations dans le tableau clinique, mais seulement des changements au niveau cellulaire dans la connexion lamellaire, ou bien la présence de médiateurs inflammatoires (anticorps). Une étude qui se pencherait sur le tableau clinique dans le cadre de la cryothérapie serait bienvenue.
En guise de conclusion
La cryothérapie prouve de plus en plus son utilité. Mais il est compliqué pour les propriétaires de chevaux de l’appliquer de manière ponctuelle et efficace. Le point positif est que vous avez lu cet article et vous en savez maintenant un peu plus sur la fourbure. Votre cheval en bénéficiera peut-être davantage qu’un simple bain d’eau froide !
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