Votre maréchal-ferrant vous a convaincu que votre cheval avait besoin de ces fers très spéciaux. Le véto vous a laissé un tas impressionnant de médicaments antidouleur, de vasodilatateurs et d’antidiabétiques. L’homéo, le magnétiseur et l’acuponcteur vous ont promis que votre cheval irait très vite mieux si vous appliquez leurs conseils et leurs thérapies. Et vous, avec des vitamines et un traitement détoxicant vous essayez de mettre votre grain de sel de votre côté. Et pourtant, malgré tout, votre cheval rechute encore et encore et la fourbure de guérit jamais. Alors qu’est-ce qui ne va pas ?
Vision d’ensemble
La principale raison pour laquelle un cheval ne guérit pas correctement d’une fourbure vient du fait que le problème n’est pas pris d’une façon intégrée et globale, ce qui est malheureusement la majorité des cas. Alors qu’une vision d’ensemble est parfois ce qui fait toute la différence. Certes il est tout naturel qu’un professionnel gère le problème sur la base de ses compétences, de son savoir et de son expérience, en utilisant des outils et des techniques de diagnostic spécifiques. Plus cette façon de faire aura du succès – grâce à leurs traitements uniquement ou pas – plus les professionnels seront convaincus que leur approche est la bonne et la seule nécessaire. Ils prendront donc de moins en moins en considération toute la palette de facteurs contribuant à déclencher une fourbure.
Coordination
Dans la lutte contre la fourbure, il faudrait que quelqu’un prenne soin de coordonner tout le processus de prévention et de traitement. La meilleure personne pour jouer ce rôle est le propriétaire. En effet, le propriétaire voit son cheval tous les jours ; il connaît ses particularités et son comportement normal ; il peut lire en lui comme dans un livre. Il voit ce que d’autres ne voient pas. Après le cheval lui-même, évidemment, c’est le propriétaire qui a le plus intérêt à voir aboutir favorablement les traitements entrepris. Si le propriétaire arrive à établir un planning de traitement ou de prévention cohérent, il se peut que cela soit l’élément essentiel qui mènera son cheval à une complète guérison. Il devient une sorte de coordinateur de soins spécial fourbure.
Cinq facteurs essentiels
Cinq facteurs s’influençant mutuellement ont un impact sur les chances qu’un cheval guérisse complètement d’une fourbure. Il est donc important qu’en tant que coordinateur de soins spécial fourbure vous vous assuriez que l’on porte à chacun de ces facteurs toute l’attention qu’il mérite :
- Gestion des problèmes de santé sous-jacents ;
- Nutrition saine et naturelle ;
- Mouvement et exercice suffisants et adaptés ;
- Hébergement qui stimule le mouvement ; et
- Soins aux sabots adaptés.
1. Gestion des problèmes de santé sous-jacents
La fourbure n’est pas une maladie du pied, bien que la plupart des symptômes les plus visibles et les plus graves se retrouvent à ce niveau. C’est une manifestation de problèmes dans une ou plusieurs parties ou fonctions ailleurs dans le corps du cheval. C’est donc une maladie systémique. Bien que la fourbure ne soit presque jamais le résultat d’une cause unique, on identifie souvent un coupable principal. Toutefois, l’élimination de cette cause principale uniquement ne sera pas efficace si d’autres problèmes (connexes ou sous-jacents) restent irrésolus. Votre travail en qualité de coordinateur de soins spécial fourbure est de vous assurer que le vétérinaire, ou tout autre professionnel qualifié, élimine de façon efficace toutes les causes sous-jacentes. Ces problèmes de santé sous-jacents qui peuvent déclencher une fourbure vont de l’endométriose à la septicémie, d’une grippe à la maladie du lundi ou encore de problème hormonaux (comme le PPID et le syndrome métabolique équin) à une colique et bien d’autres encore.
2. Nutrition saine et naturelle
Une nourriture saine et naturelle est indispensable dans le traitement et la prévention de la fourbure. Plus vous allez rester proche des besoins naturels du cheval, plus son processus digestif sera équilibré et plus le cheval deviendra sain et fort. Les problèmes digestifs seront réduits. Le coordinateur de soins spécial fourbure devra s’assurer que le cheval reçoive la bonne nourriture et que son régime soit optimal.
Amidon, sucres …
Une des meilleures façons de s’assurer d’une nutrition saine et naturelle est de réduire l’apport d’amidon, de monosaccharides (glucose et fructose) et de disaccharides (sucrose). Ces glucides jouent un rôle extrêmement important dans le développement d’une fourbure. En effet, peu après avoir été consommés par le cheval, des hormones spécialisées – appelée incrétines – sont sécrétées. Ces incrétines provoquent une augmentation de la production d’insuline au niveau du pancréas ce qui, en retour, empêche une trop grande élévation du taux de sucre dans le sang. Une trop grande consommation d’amidon et de glucides engendre une augmentation des taux d’insuline et ceci est non seulement indésirable, mais également nocif, surtout pour les chevaux résistants à l’insuline qui ne répondent plus normalement à cette hormone. Des taux élevés d’insuline sur une période prolongée peuvent être la cause de fourbures dites de pâturage ou aggraver un cas déjà existant.
… et fructanes
Une surdose d’amidon, de sucres et de fructanes – appelés aussi glucides non-structuraux (ou GNS) – provoque une acidification du gros intestin qui est une autre cause peu connue de fourbure. L’acidification engendre la destruction de bactéries et microbes essentiels dans le gros intestin et ces éléments morts engendrent à leur tour une augmentation des toxines. Une trop grande quantité de ces toxines peut provoquer des thromboses au niveau des vaisseaux sanguins, réduisant ainsi le flux sanguin dans les sabots. Le coordinateur de soins spécial fourbure doit garder une attention de tous les instants concernant la prise de GNS.
Conseils nutritionnels
Le conseil nutritionnel le plus simple et le plus important : donnez à votre cheval du foin grossier, riche en fibres et pauvre en GNS, de l’eau fraîche à volonté et une pierre à lécher. Si vous avez des raisons de penser que votre cheval manque de vitamines ou de minéraux, faites des tests et demandez l’avis d’un nutritionniste spécialisé avant de donner des compléments alimentaires.
ToxinesLe coordinateur de soins spécial fourbure doit également rester attentif aux toxines pouvant provenir de l’extérieur et qui peuvent contribuer au déclenchement d’une fourbure. Les toxines peuvent se trouver dans les aliments moisis, les champignons et levures dans le fourrage (foin, ensilage, préfané), ainsi que dans des plantes toxiques et dans l’eau contaminée. Le moyen le plus efficace de se débarrasser de ce type de toxines est de pouvoir compter sur des organes internes qui fonctionnent correctement (foie, reins, système urinaire et intestinal), donner suffisamment de mouvement, fournir des fibres en grandes quantités pour l’intestin, garder un taux de déchets organiques bas et, bien sûr, en prévenant l’introduction de nouvelles toxines. Tout un travail pour le coordinateur de soins spécial fourbure. |
Le foin moisi peut contenir certaines toxines (photo : Kate Light) |
Perte de poidsUn cheval trop gros n’est ni normal ni sain. Le surpoids est un facteur important de déclenchement d’une fourbure. Si votre cheval est trop gras vous devez l’aider à perdre du poids. Toutefois, faites en sorte que cette perte de poids se fasse graduellement. Si elle est trop rapide – spécialement chez les Shetland, les poneys Welsh, les Haflingers et les ânes – cela peut causer une hyperlipidémie, qui provoquera elle-même une vasoconstriction ce qui peut causer potentiellement une fourbure. |
Un cheval trop gros n’est ni normal ni sain (photo : Deanna Ferwick) |
3. Mouvement et exercice suffisants et adaptés
Un cheval qui souffre de fourbure « sait » combien et quel type de mouvement il lui faut (allure, vitesse et distance) afin de l’aider à guérir. Le garder dans un box le prive de cette opportunité. Le repos dans un box n’est donc pas une solution. En fait c’est plutôt une des causes potentielles. En tant que coordinateur de soins spécial fourbure, vous allez précautionneusement (!) encourager votre cheval à bouger de la manière suivante :
- le marcher en main ;
- lui faire faire du travail ou des jeux à terre ;
- lui offrir des interactions sociales avec d’autres chevaux ;
- installer, à l’intérieur de son parc, du foin, de l’eau et une pierre à lécher à bonne distance les uns des autres ;
- créer un chemin avec du fil électrique dans le pré ou la carrière, ou même un paddock paradise.
4. Hébergement qui stimule le mouvementLa météo et les conditions environnementales peuvent tripler la quantité de GNS dans l’herbe. Et, comme vous l’avez compris, cela peut provoquer une trop forte augmentation des taux d’insuline dans le sang et augmenter la quantité de toxines dans le gros intestin. Lorsque les risques liés aux GNS sont gérables, les chevaux peuvent aller au parc de façon continue s’ils disposent d’un abri, d’une stabulation libre ou d’un paddock paradise. Dans le cas où vous ne disposez pas d’un parc, faites sortir votre cheval dans le paddock ou le manège aussi souvent que possible. Même en l’absence d’un paddock ou d’un manège vous pouvez créer une solution temporaire acceptable en installant des barrières dans une partie de la cour avec des clôtures électriques amovibles. Si cela n’est toujours pas faisable, vous pouvez joindre plusieurs boxes pour créer un espace plus grand. Même le coordinateur de soins spécial fourbure le plus novice sera suffisamment créatif pour trouver une solution. |
Un petit tour dans le paddock paradise (photo : Marja van Run) |
5. Soins aux sabots adaptés
Avant de voir ce que signifient des soins aux sabots adaptés, voyons ce qui ne l’est pas. Il a été établi depuis quelques temps que les fers ont trop de désavantages et que leur utilisation est fortement déconseillée. Malgré cela, le ferrage thérapeutique est souvent utilisé dans une tentative mal avisée de soigner une fourbure. Voici quelques-uns des désavantages du ferrage :
- Ils réduisent la flexibilité du sabot (mécanisme du pied), en limitant à la fois l’apport en sang oxygéné et riche en nutriments et l’évacuation de sang désoxygéné et des déchets.
- Entre deux ferrages, on ne peut pas effectuer de travaux de maintenance sur la paroi du sabot avec une râpe ou une lime. La paroi peut devenir rapidement trop longue et tirer sur les connexions entre la paroi et l’os du pied – la connexion lamellaire – en agissant comme un levier.
- Les fers sont cloués, vissés ou collés sur une paroi partiellement détachée. Le fer stresse la nouvelle pousse de tissu sain et les nouvelles connexions restent distendues du fait des forces mécaniques en présence – ce qui entrave la guérison du sabot qui a justement besoin d’une paroi solidement attachée à l’os du pied.
- Lorsqu’un cheval est ferré, la sole ne pourra pas se durcir suffisamment. Une sole solide offre une meilleure protection à l’os du pied s’il est en rotation et qu’il pousse contre elle depuis l’intérieur.
- La flexibilité de la sole est réduite lorsque les chevaux sont ferrés, augmentant ainsi les chances que le cheval ait des hématomes à ce niveau-là. Des hématomes de la sole rendront le cheval hésitant à se déplacer alors qu’un mouvement régulier est essentiel au processus de guérison.
- Des fers aux talons rehaussés sont parfois utilisés pour réduire la tension du tendon fléchisseur profond du doigt. Toutefois, ils augmentent aussi la pression sur la pointe de l’os du pied et sur la connexion lamellaire à la pointe du sabot. Le pire c’est que, dans tous les cas et malgré tout, la tension du muscle fléchisseur profond se réadaptera à la nouvelle position. Ceci implique que les forces exercées par le tendon reviendront rapidement à leur état initial.
- Les chevaux ferrés ne peuvent pas sentir la surface sur laquelle ils marchent. Ils trébuchent plus souvent et parfois glissent. Pour des chevaux fourbus, cela est très douloureux et ils peuvent finir par ne plus bouger de peur de souffrir, ce qui est préjudiciable à leur guérison.
Venons-en maintenant aux soins aux sabots adaptés et corrects. Un parage va stimuler la guérison naturelle et contribuera de manière efficace à soigner une fourbure lorsque :
- les tissus endommagés, malades et nécrosés sont enlevés ;
- le pied est équilibré ;
- les talons sont gardés bas ;
- la pression sur les quartiers (côtés) du pied est soulagée pour stimuler le développement correct des cartilages ungulaires ;
- la paroi à la pointe du pied est raccourcie afin d’éviter qu’elle touche le sol et que la connexion lamellaire soit compromise ;
- Les parties évasées (flares) de la paroi sont enlevées, car elles génèrent trop de tension sur la connexion lamellaire ;
- la sole n’est pas parée afin de maintenir la meilleure protection possible pour l’os du pied ;
- les barres sont raccourcies pour minimiser la pression sur les tissus sensibles sous-jacents ; et
- la fourchette garde sa fonction d’amortisseur.
Un coordinateur de soins spécial fourbure est dévoué à le savoir-faire nécessaire pour évaluer le travail du professionnel des soins aux sabots relatif aux points mentionnés plus haut. Ce serait encore mieux s’il pouvait suivre un cours de parage afin de contribuer lui-même au maintien des pieds entre les visites du professionnel des soins aux sabots.
Encore une fois : coordination
Des experts et des spécialistes peuvent être trouvés pour tous les domaines mentionnés plus haut. Faites attention au piège qui consiste à avoir « deux capitaines (ou cinq) dans le navire ». Des fournisseurs de soins qui donnent des avis contradictoires ne vont certainement pas accélérer la guérison de votre cheval. Nous parlons du cheval ici, donc c’est à son propriétaire de décider ce qui doit se passer pour lui et à personne d’autre. Assurez-vous que toutes les personnes impliquées dans la guérison du cheval suivent la même ligne de conduite. Posez des questions motivées par un sens critique, communiquez clairement sur vos intentions, vos demandes et posez des objectifs. Assurez-vous que tout le monde a bien compris les enjeux et les attentes de chacun. Faites de votre mieux et ne soyez pas frustré lorsque vous rencontrez des difficultés qui dépassent vos compétences. Cherchez simplement de l’aide pour augmenter les possibilités de trouver des solutions.
Essayer, observer, adapter
Un coordinateur de soins spécial fourbure est flexible. Gardez un esprit ouvert à l’amélioration : essayez toujours d’optimiser les choses et le traitement pour votre cheval. Une observation attentive de votre cheval révélera des résultats. En cas de besoin, vous adapterez la stratégie choisie.
Au suivant !
Maintenant que votre cheval a trouvé son coordinateur de soins spécial fourbure en vous, il faut prendre conscience que chaque cheval fourbu en a besoin. La prochaine fois que vous voyez un cheval souffrant de fourbure ou que vous observez des circonstances qui pourraient provoquer le déclenchement de la maladie, faites savoir à son propriétaire que vous pouvez l’aider à trouver (enfin !) comment aider son animal chéri à guérir ou à éviter cette maladie invalidante. Il pourra aussi devenir le coordinateur de soins spécial fourbure dont son cheval a besoin pour rester en pleine forme.